C'est l'histoire de Lila* que j'ai accompagnée, et qui a accepté, par souci de sororité et de solidarité envers d'autres femmes dans le même cas qu'elle, de rendre publique son histoire. Lila a, après de longues années d'ascenseurs émotionnels, puis de longs mois de réflexion, décidé de donner ses embryons obtenus par fécondation in vitro. Récit d'un parcours de vie qui, j'espère, vous sera inspirant.
L'accompagnement de la PMA
Lorsque Lila* vient me voir, elle est épuisée par une PMA qu'elle mène seule, à l'étranger. Elle en est à sa quatrième insémination, et la clinique qui la suit lui indique que, désormais, il faut passer par la FIV.
Dans son cas, pas de problème d'infertilité avéré, médicalement tout va bien. Elle a recours à un don de spermatozoïdes car elle est célibataire.
Passer à la FIV ne l'enchante pas : les traitements sont lourds, la ponction invasive et inconfortable, et elle n'était pas sûre de vouloir se lancer.
Après quelques séances, Lila y voyait plus clair, et ne voulant pas laisser passer sa chance d'être maman, a accepté le protocole de FIV. Elle se sentait aussi plus solide et confiante par rapport à tout le processus auquel elle faisait face.
La grossesse
Sa FIV lui a donné 6 embryons viables, dont un lui a été implanté, et les autres congelés pour de futures tentatives. Ce premier transfert n'a pas tenu, mais le second a débouché sur une grossesse, qui s'est plutôt bien passée, et l'arrivée du bébé tant attendu.
Pendant sa FIV, Lila a fait appel à moi pour gérer les hauts et les bas, pour garder espoir, et voir le positif là où il était. Nous avions, à ce moment-là, pris soin de donner beaucoup d'importance aux 6 embryons qui lui donnaient 6 opportunités, 6 chances de devenir maman.
Lorsqu'elle a appris qu'elle était enceinte, Lila n'était pas soulagée pour autant. Cette bonne nouvelle a ouvert sur beaucoup de peurs et d'inquiétude, notamment le risque d'arrêt de grossesse qui prenait beaucoup de place dans son esprit, tout comme les possibilités de complication de la grossesse. Nous avons travaillé tout au long de ces 9 mois pour qu'elle vive sa grossesse le plus sereinement possible, qu'elle s'accorde le droit de profiter de ces quelques temps hors du commun.
Après la naissance de son bébé, Lila a également fait appel à moi pour apaiser le souvenir d'un accouchement dans la souffrance, et faire en sorte d'avoir un post-partum le plus doux possible. Son bébé était (et est toujours) en pleine forme, et nous avons là encore travaillé sur la libération des souvenirs douloureux pour se concentrer sur le bonheur (épuisant et magique à la fois) d'être maman. Son rêve.
La question des embryons
Pendant quelques mois, je n'ai pas vu Lila, et l'histoire aurait pu s'arrêter là.
Mais tandis qu'elle pouponnait, 4 embryons étaient toujours au congélateur dans la clinique qui l'a suivie. Pour les conserver pour une future tentative de grossesse, elle devait payer une somme annuelle, elle pouvait aussi demander leur destruction, ou bien les donner, pour permettre à d'autres femmes ou couples d'accéder aux joies de la parentalité. Elle avait dans un premier temps décidé de les conserver, mais elle savait qu'un jour où l'autre il faudrait prendre une décision pour ces embryons.
Lila est donc revenue me voir, avec beaucoup d'anxiété au sujet de ces embryons. Elle se sentait incapable de décider quoi faire avec. Tous les choix qui s'offraient à elle lui posaient problème :
- Conserver les embryons pour ne rien en faire lui paraissait ridicule et onéreux
- Envisager une nouvelle grossesse à 40 ans passés lui semblait au-dessus de ses forces
- L'idée de détruire les embryons lui était insupportable
- Donner les embryons lui donnait l'impression de les abandonner
Nous avons travaillé ensemble sur le choix qui lui semblait rationnellement le plus pertinent, celui sur lequel elle aimerait se poser, et nous avons en parallèle fait en sorte qu'elle se sente de plus en plus alignée avec sa décision.
Le choix de donner ses embryons
Il est apparu assez vite que Lila voulait s'orienter vers le don de ses embryons.
Ce qui lui posait problème, c'était l'attachement à ces embryons, qui venaient d'elle, de ses gamètes, de son projet. Et aussi qu'ils étaient génétiquement liés à son enfant.
Le tout venait semer le trouble dans sa tête, et elle se sentait coupable d'abandonner "ses enfants" en mettant au don ses 4 embryons restants.
Tout le travail en thérapie a été de l'aider à changer son état d'esprit, à cesser de considérer ces embryons comme ses enfants, et à se concentrer sur tout le positif qu'elle pouvait retirer de ce don.
Notamment l'idée de la générosité, de la solidarité, du partage, et toutes ces belles valeurs qui lui sont chères et qui sont totalement en accord avec le don.
Nous avons également mis en évidence le fait qu'elle-même a bénéficié d'un don de spermatozoïdes pour avoir son enfant, et elle trouvait joli le fait de faire elle-même un don, comme pour donner après avoir reçu.
Après plusieurs séances étalées sur quelques mois, Lila a fait le choix assumé de donner ses embryons. Elle est heureuse de sa décision, et aussi d'avoir pris le temps de le faire en toute conscience, et sans regrets.
Pour elle ces embryons sont des cadeaux de la nature combinée avec la science, et elle espère que cela permettra à d'autres personnes de devenir parents.
Le chemin pour en arriver là a été tortueux, l'essentiel est qu'à la fin, elle soit totalement alignée avec sa décision.
* Afin de préserver la confidentialité des séances, le prénom et quelques détails ont été modifiés